Raquettes, pancakes et Mont Buet. Adieu à Nalgene. 26.02.2021

En 2021, le jour est venu où je suis allé escalader une montagne choisie à l’avance. Ou était-ce elle qui « m’aimait bien » ? Qui sait ?

Nous nous sommes vus pour la première fois en 2020, de loin, depuis un autre massif. Le Mont Buet est le plus haut sommet du massif du Giffre dans les Alpes occidentales. Cette montagne a joué un rôle important dans l’alpinisme au XVIIIe siècle, car c’est le plus haut sommet – alors conquis – à partir duquel les explorateurs de l’époque ont pris des mesures du Mont Blanc, alors encore invaincu.
Certaines personnes m’ont mis en garde, m’ont dit de n’y aller qu’en été, d’autres ne savaient pas du tout que j’y allais. Je me souviens qu’au travail, on voulait changer mon jour de congé, mais…. J’ai pris ma décision et j’y suis allée. Puis, au bout de quelques mois, je n’y travaillais plus héhé, bon. La passion, elle, continue. Et c’est ainsi.

C’était en février, il faisait très froid. J’ai pris avec moi un thermos d’un litre de thé, des pankaces, du chocolat noir, des raquettes, un piolet bien sûr. Quelques piles de rechange, un appareil photo et une caméra de sport. Des vêtements appropriés.

Je suis parti de chez moi le matin, j’ai pris le train local et je suis descendu dans le village d’où part l’action. Le village du Buet à 1339mnpm. Et puis, 9 km d’ascension pénible. En montée. Descente la seconde autant, mais il est vrai sans skis, beaucoup plus rapide. Des approches à près de 1800m.

Je ne faisais pas encore de freeski à l’époque, et le sommet est populaire pour le ski de randonnée, donc inévitablement j’ai rencontré de tels enthousiastes. Certains souriaient chaleureusement, d’autres semblaient faire la grimace. En montagne, seul l’espace change, et les gens sont les mêmes que partout. Certains sont serviables, ouverts à l’autre, empathiques. D’autres moins. Comme partout.

J’ai continué à suivre route de ski. Le paysage s’ouvrait de plus en plus sur la nature. Même madame météo était plutôt favorable. Lorsque j’ai atteint le refuge Pierre à Bérard (1924m), je ne l’ai pas trouvé. Dans le sens de ne pas le voir. Une situation cocasse, car le Gps insiste sur le fait que je suis au bon endroit, mais aucun bâtiment n’est visible. Finalement j’ai remarqué un morceau de mur, comme d’une fenêtre dépassant de la neige. La conclusion était simple, l’abri est là, mais en dessous. Couvert.
Je me suis assis, j’ai sorti un thermos et des pancakes.

Les Photos.

Plus loin, le chemin était ardu, mais magnifique. Vers 2600 m, la neige s’est transformée en glace. À certains moments, il n’y avait personne autour de moi et, en suivant le sentier de randonnée, j’étais entré dans un terrain un peu exposé.

Il s’est avéré qu’il s’agissait d’une trace de descente plutôt que d’une approche. Elle se faufilait simplement à travers. Il était déjà quelque part sur le deux900 et j’étais un peu coincé, alors… je devais agir. Avec une réorganisation rapide, Nalgene m’a dit au revoir. Elle a décidé de tomber de son sac à dos. Peu importe. Je me suis levé. J’enfonce les crampons dans la glace et je monte. Piolet en mouvement.

J’aime beaucoup les piolets. Surtout quand ils pénètrent là où il faut. J’aime ce mouvement. Ce dynamisme. J’y vois un élément primordial. Plus loin, je suis déjà allé sur le plateau, au sommet.

J’y étais seul. Impressions, hormones, vent et photos. Cela a duré environ 5 minutes, et j’ai décidé de redescendre, pour gagner du temps. L’absence de skis était déjà plus claire dans ma tête, mais ça descendait super bien. Déjà sans raquettes, plus sur la piste, et des zigzags, juste là où les yeux portent. Surtout sous le niveau de la glace, dans la neige. Je me suis souvenu que j’avais du papier d’aluminium NRC avec moi (déjà en morceaux, après un autre bivouac), alors il m’a servi de moyen de glisser, pour le dire simplement, entre mon cul et la neige. Amusant, peut-être pas comme sur les sacs de foin, une fois à la campagne, mais du même genre. La descente s’est faite assez rapidement. Deux heures et quelques. Tout à l’heure j’avais remarqué d’en bas un groupe de skieurs au-dessus, génial je me suis dit, ce serait fantastique de descendre comme ça un jour.

A la rivière, déjà à la fin de la descente, je refais le plein d’eau. Mais pas de Nalgene. Des skieurs arrivent. Une dame félicitée, des mots chaleureux échangés. C’est sympa. Puis je suis allé sans doute de gaieté de cœur chercher un Ipa, voire deux. Je ne bois pas d’alcool tous les jours, mais là, j’ai fait la fête. La raison de cette fête était mon premier trois mille d’hiver. Seul.

Pour moi. Et pour les souvenirs.

Mont Buet 3096m.

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